Elle chante, et elle en est fort aise !
Une des choses qui me font tenir le coup ces dernières années, c'est entre autres le chant choral.
Il y a eu des périodes noires où j'arrivais décomposée à la répétition, il me fallait presque une heure avant de pouvoir sortir un son. Cependant, ces soirs là, personne ne m'a jamais dit que j'aurais mieux fait de rester chez moi, pas même la chef de choeur qui pourtant n'a pas la réputation d'être facile (mais ce n'est qu'une rumeur). Simplement, j'étais là au milieu des autres, à respirer avec eux, à écouter leurs voix et ma douleur qui dégonflait dans ma gorge et ma poitrine au fur et à mesure que je reprenais mon souffle.
Je chante dans la chorale du conservatoire pas loin de chez moi.
C'est très chic et ça impressionne, de dire qu'on chante avec le conservatoire et l'orchestre régional. C'est vrai que ça me fait bicher. Rendez-vous compte ! nous, des amateurs, qui déchiffrons péniblement (je parle pour moi) la musique, nous donnons des concerts avec des musiciens professionnels qui ont travaillé leur instrument depuis des années et des années !
Dans la réalité, c'est plutôt une question de répertoire, pas mal de classique, et pas mal de contemporain, du genre de celui où on se demande où ça commence, où se trouve la mélodie, et comment le compositeur a fait pour dégotter des accords aussi parfaitement dissonants. Je ne suis pas mélomane, j'ai une culture musicale "de base" assez restreinte, je déchiffre avec trois doigts les partoches sur mon piano, (d'ailleurs, je ne les travaille pas assez mes partoches). Simplement, j'aime chanter, je chante juste et j'ai une bonne mémoire auditive.
C'est parfois pesant de se coltiner tous les jeudis soirs une répé de 19h30 à 22h. On arrive claqué, pas toujours très motivé, on se dit qu'on serait si bien sous la couette avec un bon livre, mais au final on en ressort moins fatigué et mieux qu'on n'y était arrivé.
Pourtant, il en faut de la concentration pour chanter dans des langues dont on ne comprend rien, avec des sons qui ne se prononcent exactement pas comme ils sont écrits! (Vous reprendrez bien une petite strophe en estonnien et quelques vers en tchèque et en suédois?) Mais parfois ça a du bon de ne pas tout comprendre: les paroles sont souvent assez niaises (vous avez déjà lu les traductions de lieders romantiques allemands ?), et pour des bouffeuses de curés comme moi, autant faire semblant de ne pas savoir ce que l'on chante, même si il est difficile d'être dupe : entre les messes de réquiems, les te déum, les stabat mater, les salve regina ... On se dit que Dieu a quand même de sacrés pouvoirs de séduction pour arriver à ce que les hommes pondent d'aussi belles choses en son honneur !
Chanter dans un choeur, ça fait comme une sorte de double massage, un massage physique interne, lié au souffle et aux vibrations du son que l'on prodiuit et que l'on entend ; et un massage psychique et intellectuel, il faut sortir de soi tout en restant très conscient de ce qu'on produit pour s'harmoniser avec les voix des autres chanteurs. Le son, c'est une onde, et le choeur doit pour sonner trouver une vibration harmonique et synchrone, être sur la même longueur d'onde en quelque sorte. Bref, c'est un double mouvement, un va et viens permanent, rester centré sur soi et ouvert sur l'extérieur.
Le choeur c'est plus que l'addition des voix qui le composent, il a une identité propre, un rythme et un son personnel, un genre de "moi" groupal. C'est un peu une créature monstrueuse que le chef aurait à dompter, faire grandir, apprivoiser, encourager, bousculer aussi pour en faire sortir le meilleur. Il y a quelque chose de sauvage, archaïque, primitif dans le souffle et le son développé par une chorale qui naît et vit sous les gestes du chef. Le chanteur est à la fois l'instrument et l'instrumentiste, sa matière première c'est son corps. Il y a quelque chose d'animal dans le chant, mais aussi de spécifiquement humain, puisqu'il n'y a que le chanteur qui associe musique et langage. Il y doubles signifiants, mélodits (Oups, encore un lapsus de clavier, je voulais écrire mélodies, mais comme on parle de mots, finalement est-ce que "mélodit" ne pourrait pas être un néologisme qui évoquerait le croisement entre musique et paroles ?) et textes, qui peuvent se renforcer ou se combattre.
Voilà, je trouve mon texte un peu grandiloquent et pontifiant, je suis sûre qu'il existe des ouvrages bien plus intéressants et j'hésite à le laisser sur la toile. Peur du ridicule.
Après une histoire plombée, je vous ai pondu un truc bien indigeste. Gardez le citrate de bétaïne à portée de main pour faire passer ...