Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
pierreline
16 janvier 2010

Elle chante, et elle en est fort aise !

Une des choses qui me font tenir le coup ces dernières années, c'est entre autres le chant choral.

Il y a eu des périodes noires où j'arrivais décomposée à la répétition, il me fallait presque une heure avant de pouvoir sortir un son. Cependant, ces soirs là, personne ne m'a jamais dit que j'aurais mieux fait de rester chez moi, pas même la chef de choeur qui pourtant n'a pas la réputation d'être facile (mais ce n'est qu'une rumeur). Simplement, j'étais là au milieu des autres, à respirer avec eux, à écouter leurs voix et ma douleur qui dégonflait dans ma gorge et ma poitrine au fur et à mesure que je reprenais mon souffle.

Je chante dans la chorale du conservatoire pas loin de chez moi.

C'est très chic et ça impressionne, de dire qu'on chante avec le conservatoire et l'orchestre régional. C'est vrai que ça me fait bicher. Rendez-vous compte ! nous, des amateurs, qui déchiffrons péniblement (je parle pour moi) la musique, nous donnons des concerts avec des musiciens professionnels qui ont travaillé leur instrument depuis des années et des années !

Dans la réalité, c'est plutôt une question de répertoire, pas mal de classique, et pas mal de contemporain, du genre de celui où on se demande où ça commence, où se trouve la mélodie, et comment le compositeur a fait pour dégotter des accords aussi parfaitement dissonants. Je ne suis pas mélomane, j'ai une culture musicale "de base" assez restreinte, je déchiffre avec trois doigts les partoches sur mon piano, (d'ailleurs, je ne les travaille pas assez mes partoches). Simplement, j'aime chanter, je chante juste et j'ai une bonne mémoire auditive.

C'est parfois pesant de se coltiner tous les jeudis soirs une répé de 19h30 à 22h. On arrive claqué, pas toujours très motivé, on se dit qu'on serait si bien sous la couette avec un bon livre, mais au final on en ressort moins fatigué et mieux qu'on n'y était arrivé.

Pourtant, il en faut de la concentration pour chanter dans des langues dont on ne comprend rien, avec des sons qui ne se prononcent exactement pas comme ils sont écrits! (Vous reprendrez bien une petite strophe en estonnien et quelques vers en tchèque et en suédois?) Mais parfois ça a du bon de ne pas tout comprendre: les paroles sont souvent assez niaises (vous avez déjà lu les traductions de lieders romantiques allemands ?), et pour des bouffeuses de curés comme moi, autant faire semblant de ne pas savoir ce que l'on chante, même si il est difficile d'être dupe : entre les messes de réquiems, les te déum, les stabat mater, les salve regina ... On se dit que Dieu a quand même de sacrés pouvoirs de séduction pour arriver à ce que les hommes pondent d'aussi belles choses en son honneur !

Chanter dans un choeur, ça fait comme une sorte de double massage, un massage physique interne, lié au souffle et aux vibrations du son que l'on prodiuit et que l'on entend ; et un massage psychique et intellectuel, il faut sortir de soi tout en restant très conscient de ce qu'on produit pour s'harmoniser avec les voix des autres chanteurs. Le son, c'est une onde, et le choeur doit pour sonner trouver une vibration harmonique et synchrone, être sur la même longueur d'onde en quelque sorte. Bref, c'est un double mouvement, un va et viens permanent, rester centré sur soi et ouvert sur l'extérieur.

Le choeur c'est plus que l'addition des voix qui le composent, il a une identité propre, un rythme et un son personnel, un genre de "moi" groupal. C'est un peu une créature monstrueuse que le chef aurait à dompter, faire grandir, apprivoiser, encourager, bousculer aussi pour en faire sortir le meilleur. Il y a quelque chose de sauvage, archaïque, primitif dans le souffle et le son développé par une chorale qui naît et vit sous les gestes du chef. Le chanteur est à la fois l'instrument et l'instrumentiste, sa matière première c'est son corps. Il y a quelque chose d'animal dans le chant, mais aussi de spécifiquement humain, puisqu'il n'y a que le chanteur qui associe musique et langage. Il y doubles signifiants, mélodits (Oups, encore un lapsus de clavier, je voulais écrire mélodies, mais comme on parle de mots, finalement est-ce que  "mélodit" ne pourrait pas être un néologisme qui évoquerait le croisement entre musique et paroles ?) et textes, qui peuvent se renforcer ou se combattre.

Voilà, je trouve mon texte un peu grandiloquent et pontifiant, je suis sûre qu'il existe des ouvrages bien plus intéressants et j'hésite à le laisser sur la toile. Peur du ridicule.

Après une histoire plombée, je vous ai pondu un truc bien indigeste. Gardez le citrate de bétaïne à portée de main pour faire passer ...

Publicité
Publicité
Commentaires
C
♫ Je chante !<br /> Je chante soir et matin,<br /> Je chante sur mon chemin<br /> Je chante, je vais de ferme en château<br /> Je chante pour du pain je chante pour de l'eau ...<br /> <br /> Cé bô de chanté, Pierreline.
T
mdr pour la blague.<br /> <br /> Oui, je reconnais que je suis courtisé par les femmes, pas du tout parce que je chante bien, mais bien par manque de voix d'hommes. ça m'est déjà arrivé d'être à une répétition la seule basse sur quelques dizaines de choristes. Ce fut dur dur... Mais c'est peut-être aussi là que j'ai le plus appris:-)<br /> <br /> Pourtant, voilà ce qui peut arriver quand on est bien seul sur une seule corde http://crass.on.ru/flash/bbird.swf<br /> :-)
P
Euh, je suis tout à fait impressionnée, merci à vous, monsieur du train musical, pour cette explication de texte si élogieuse ! En tous cas, de votre côté, bon retour dans votre choeur, il doit sacrément vous manquer. Parions que c'est réciproque ! (Et en faisant un peu de mauvais esprit: les hommes sont toujours très courtisés dans les choeurs, alors...)<br /> Une blague, pour faire moins sérieux: <br /> -Quelle est la différence entre une soprane et un terroriste ? <br /> -Réponse: Avec le terroriste on peut négocier ! (euh, oui, je suis dans le pupitre d'alto, comment vous avez deviné ?)
T
J’arrive tout à fait par hasard sur ce blog et je découvre ce texte.<br /> Merci Pierreline pour vos propos pas du tout pompeux, mais passionnant que j’ai lu d’une traite, car ça me parle et ça me chante :-)<br /> <br /> Il faut dire que je suis aussi choriste amateur. Et c’est un plaisir de découvrir que vos ressentis sont identiques aux miens, je m’y retrouve tout à fait. Vous arrivez si bien à les décrire, bien mieux que moi. <br /> <br /> Par exemple vous écrivez :<br /> « On arrive claqué, pas toujours très motivé, on se dit qu'on serait si bien sous la couette avec un bon livre, mais au final on en ressort moins fatigué et mieux qu'on n'y était arrivé. » <br /> Exactement ça et au final, après une dure journée de labeur, je suis tellement heureux d’y avoir été:-)<br /> <br /> Ou :<br /> « …un massage psychique et intellectuel, il faut sortir de soi tout en restant très conscient de ce qu'on produit pour s'harmoniser avec les voix des autres chanteurs. »<br /> Un moment de détente dû à la concentration extrême qui me fait oublier tout le reste, une fuite très saine. Aussi, lors de circonstances difficiles vécues dans ma vie, j’étais chaque fois impressionné comme j’arrivais à dégager très fortement mes émotions.<br /> <br /> Ou encore :<br /> « ...nous, des amateurs, qui déchiffrons péniblement la musique, nous donnons des concerts avec des musiciens professionnels qui ont travaillé leur instrument depuis des années et des années ! »<br /> Certains musiciens professionnels, dont un de ma famille, me disent qu’ils aiment travailler avec des amateurs, car à force de toujours étudier l’ouvrage toute l’année avec nos tripes, nous connaissons mieux l’âme de l’œuvre que le professionnel.<br /> <br /> Il y a aussi :<br /> « …pour des bouffeuses de curés comme moi, autant faire semblant de ne pas savoir ce que l'on chante, même si il est difficile d'être dupe »<br /> Pour un agnostique comme moi, j’arrive tout de même à me mettre dans la peau de ce qui est écrit, comme quand on se met dans la peau d’un personnage au théâtre. Et que ce soit des Lieder ou des chants sacrés, je trouve souvent des strophes très expressives me permettant des réflexions très positives.<br /> <br /> Et aussi :<br /> « Le chœur c'est plus que l'addition des voix qui le composent, il a une identité propre, un rythme et un son personnel, un genre de "moi" groupal. »<br /> Que c’est bien dit ! Ainsi aller chanter, c’est une joie partagée avec les autres membres.<br /> <br /> Bon, j’arrête, je pourrais commenter chaque phrase, tout étant tellement vrai pour moi.<br /> Non, encore cette citation que j’aime beaucoup :<br /> « Le chanteur est à la fois l'instrument et l'instrumentiste, sa matière première c'est son corps. »<br /> <br /> Pour des raisons de temps, j’ai du prendre une pause, mais je vais reprendre assez rapidement, car chanter dans un chœur me manque.<br /> <br /> Un grand BRAVO pour votre texte, Pierreline :-)<br /> <br /> Désolé pour ce long commentaire, mais ce fut plus fort que moi...
P
A propos de Marie Nimier, as-tu lu "la reine du silence" ? Pour moi, c'est une excellente démonstration de ce que l'on appelle une injonction paradoxale ( et que dit la reine du silence ?) et des dégats que ce type de discours peut produire. Par contre, je n'ai pas lu anatomie d'un choeur, je vais le chercher à la bibli.
pierreline
Publicité
Publicité