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pierreline
13 février 2010

encore un petit métier en voie de disparition : princesse spécialiste en grenouilles, crapauds et autres batraciens

Voici ma contribution au défit de ce samedi-ci:

Comme un souvenir de ventouse dans la paume …

PFFF … Courir à la Garenne Colombes, par un temps pareil, ce qu’il ne faut pas faire pour le boulot !!! Et mon boulot c’est princesse de contes de fée.

Saviez pas que c’était un boulot ? Z’avez jamais mis les pieds chez pôle emploi, vous, c’est pas possible !!!

Tout le monde sait que maintenant que nous vivons aux pays des Bisounours, et que notre roi dit Le Petit a décrété que la crise, le chômage, les patrons voyous,  la violence des djeuns’, la pollution planétaire, tout ça tout ça c’était résolu. Alors depuis, faut bien suivre le mouvement, à pôle emploi, ils ont reçu tout plein d’offres de boulot dans le vent : fée, princesse, prince charmant, enchanteur etc …

Et moi, j’ai été embauchée en CDD chez Bisounours- Télécom, « demandez et vous serez exaucés ! ».

Ma spécialité, c’est les batraciens en tous genres. Enfin, pour être plus exacte, les baisers aux batraciens futurs princes charmants.

Voilà comment ça se passe : Lorsque, lassé de coasser dans le vide sans être entendu, un monsieur crapaud en mal de reconnaissance princière appelle la hot line de « Bisounours- Télécom », on lui refourgue mes coordonnées pour que je puisse en vitesse le rejoindre et, vite fait bien fait, un petit bisou plaqué sur le museau, le batracien impatient se retrouve transformé en prince charmant.

Ah, j’en entends qui prennent la mouche (hi hi, marrant, dans une histoire de grenouilles, hein, prendre la mouche !), « Est-il bien approprié de parler de museau en matière d’appendice buccal de batracien ? » Euh, et ben j’en sais rien, j’ai pas été embauchée pour la hot line « le petit robert vous écoute », c’est le service d’à côté, je leur demanderai si j’ai le temps, mais pas maintenant, hein, je suis super à la bourre, y’a Monsieur le comte Guillaume de Verdureau, (vingt-cinquième du nom, arrière petit neveu du petit fils de Guillaume le Peureux, celui-là même qui coassait dans la mare de la princesse Raiponce,) qui m’attend au bord de son étang.

Enfin, son étang, je me comprends, hein ! Qui peut se payer des étangs en ces temps de crise du logement ? Même les comtes ont dû réduire leur train de vie ! Alors, le Guillaume de Verdureau, c’est au bord du bassin déversoir des eaux pluviales de la Garenne Colombes qu’il m’attend.

Bon, je consulte les horaires des trains de banlieue, par la gare saint Lazare, en me grouillant un peu, j’y serai vers 19h, 19h30. Ah ben oui, chez Bisounours – Télécoms, y’a pas de véhicule de fonction pour le petit personnel, on a le pass Navigo, et on navigue !

On navigue, on navigue, j’aurais dû dire on galère et on rame ! Parce que, merci bien, il tombe un de ces déluges sur la banlieue ouest ce soir !!! On arrive à peine à lire le nom des gares à travers les vitres détrempées du train. Ah, ça y est, me voilà rendue. Rendue mais pas arrivée : Il est où ce fichu bassin déversoir des eaux pluviales ?

C’est toujours pareil, le gars de la hot line, il est payé à la tâche, alors il ne va perdre du temps à noter les détails des lieux de rendez-vous ! Elle se débrouillera bien la princesse, elle n’a qu’à avoir son tom tom planqué sous sa couronne !!! J’ai eu beau lui expliquer que les couronnes c’était pour les reines patentées et estampillées, celles qui avaient suffisamment de bouteille et d’avancement pour ne plus avoir à se coltiner les petits boulots mal payés du genre du mien, rien à faire, bouché le gars, pour lui je suis de la haute, alors je me débrouille.

En attendant, arrivée sur le quai, j’ai de la chance, j’arrive à chopper le chef de gare : « Le bassin des eaux pluviales ? Juste derrière le super mammouth géant, pouvez pas le manquer, avec un temps pareil, il déborde largement dans le parking … A chaque grosse pluie c’est pareil, si les gens ne viennent pas retirer leurs voitures en vitesse, ils les retrouvent noyées !  Quand vous aurez les pieds dans l’eau, c’est que vous y serez ! » Et le voilà qui part se mettre à l’abri dans sa cahute en se marrant, trop drôle le mec !

Moi, je ne rigole pas trop, c’est vrai que le temps s’est vraiment mis au mauvais, y’a de l’orage qui tonne pas loin, et le parking du super géant mammouth, il n’est pas des masses éclairé. L’endroit est plutôt glauque, sinistre, pas romantique pour un sou. Et va te retrouver un crapaud, même muni de sa couronne comtale, avec le soir qui tombe et l’orage qui gronde ! « Hep, Monsieur Guillaume ?, Euh, Monsieur  de Verdureau ?, ohé ! Monsieur le comte !!! » Finalement, ça m’arrange qu’il soit plutôt désert ce parking, faut assumer d’appeler comme ça dans le noir un crapaud, même s’il est comte …

Au bout d’un petit moment, j’entends : « par ici ma chère ! Je suis un peu plus loin sur votre droite, le troisième nénuphar après la Clio verte ! ... Ah, bonjour jeune fille, merci d’avoir répondu avec tant de célérité à mon appel désespéré ! ».

Bon, je me dis, celui là, décor glauque ou pas, il n’a perdu ni sa classe ni son romantisme, ça va le faire, y’aura pas besoin de s’y reprendre plusieurs fois comme avec celui de la semaine dernière qui n’arrivait pas à se concentrer suffisamment ni à rester en place le temps du baiser.

Oh, je vous connais, je sais bien que vous m’attendez tous sur la scène du baiser, vous voudriez tous les détails, «  et comment ça fait ? c’est gluant ? ça colle ? ça bave ? ça sent la vase ?» Rien du tout ! vous ne saurez rien, secret professionnel, j’ai signé un contrat avec un éditeur, le livre s’appellera « la princesse aux mille baisers » Alors, tant que je n’ai pas atteint mon quota, vous ne saurez rien !!!

Bon, tout ça pour dire que mon Verdureau ne s’en est pas trop mal sorti, mais c’est justement pour la sortie qu’il y a eu un problème : Il ne voulait plus me lâcher : « Ah, chère âme, je vous ai trouvée, ma chère moitié, la lumière de mes jours …. Laissez moi rencontrer le roi votre père, que je lui demande votre main ! »

C’est justement leur gros problème à tous ces princes grenouilles, leurs mains. Elles ont un reste de collant, comme un souvenir de ventouse dans la paume, une adhérence qui vous accroche et a du mal à vous lâcher. La première fois, j’avoue que ça m’a soulevé le cœur, j’ai cru que jamais je ne pourrais me décoller de ces mains là. Depuis, j’ai trouvé le truc: un peu de crème hydratante, ça sent bon, et ça fait glisser toutes les mains, même les plus accrocheuses. Mais là ce soir, avec cette pluie en déluge qui tombait, la crème avait dégouliné le long de mes bras, et le comte Verdureau ne semblait plus vouloir me lâcher.

C’est là que je me suis dit que j’avais eu de la chance de tomber sur un crapaud de l’ancienne mode, un de ceux que les bonnes manières retiennent un peu et qui se montrent sensibles à quelques paroles lui rappelant les règles de bienséances auxquelles toute princesse digne de ce nom, même embauchée en CDD chez Bisounours-Télécoms ne saurait déroger. Bref, contre ma carte de visite et la promesse de l’inscrire en priorité sur mon carnet de bal à la prochaine réception organisée au château, le comte m’a laissée repartir.

J’ai pu attraper le dernier train vers la gare Saint Lazare, la pluie s’était calmée, l’orage était allé tonner un peu plus loin.

Ah oui, faut que je pense à passer voir les collègues du service d’à côté demain matin : ça se dit, vous croyez, le museau, pour un crapaud ?

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Commentaires
B
Alors, c'est les vacances ?<br /> Repose-toi bien.
P
merci merci, nen jetez plus !<br /> Tiens, une revenante, alors, ces pistes enneigées ? Glamoures ?
Z
bravo !
J
Ben zut, le Canablog l'a croqué, marde !<br /> <br /> :-(<br /> <br /> Je déteste Canalblog !
J
Ouate ? Mais je t'ai laissé un com' !!!
pierreline
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