après les liftiers, les cordonniers.
Bon je ne sais pas si vous avez remarqué, mais ça se relâche ces temps-ci sur ce blog, pas trop d'activité.
J'ai quelques projets, pourtant, je viens d'achever sur Deezer la mise au point d'une palyliste de musiques qui ont fait une partie de ma vie, disons de 7 à 20 ans. Problème, je n'ai pas encore résolu la question du délicat transfert de cette playliste du site de Deezer sur mon blog. Je fais des efforts, pourtant, j'ai réussi à aller ouvrir un compte sur le fournisseur de musiques à sombrer dans la nostalgie. Mais bon, pour le blog, c'est pas encore très efficace tout ça.
Alors, que dire, qu'écrire ?
Je pourrais par exemple vous donner des nouvelles de la famille; mais j'ai un peu l'impression de larmoyer à longueur de lignes.
Il y a un sujet que je n'ai pas encore abordé avec vous, pourtant c'est un gros morceau de ma vie, c'est le boulot. Je sais pourquoi je n'en ai pas parlé jusqu'à présent: un peu peur des sarcasmes et sourires en coin: "Ah, d'accord, on comprend mieux !!! Eh bien, quand on sait ce qu'on sait, y'a pas de quoi être fière ! Comme toujours, les cordonniers les plus mal chaussés !"
Bon, tant pis, je me lance:
Vous vous souvenez de ma copine Berthoise qui évoque les "enfants du placard" ? Et bien, quand un enseignant rencontre un élève qui galère, il peut faire appel à des professionnels comme moi: je suis psychologue. Je travaille, bien accrochée au poil laineux du grand mammouth de l'éducation nationale, dans les écoles publiques maternelles et primaires d'un secteur regroupant 19 écoles, soit 2500 élèves.
.... Je laisse passer les rires... .... Je laisse à ceux qui sont indignés le temps de quitter ce blog mal fâmé ... ... Je laisse passer la minute de silence désolé et accablé de ceux qui décidément "auront tout vu !"... ... Je laisse passer les commentaires de ceux qui s'en étaient doutés dès le début, que c'te blogueuse là elle était pas nette ...
Il n'y a pas très longtemps que je fais ce boulot, cinq, six ou sept ans, peut-être, mais je l'aime. Avant, j'étais instit: c'est une règle, dans l'éducation nationale, pour être psy scolaire, faut d'abord avoir été instit plusieurs années. Moi je l'ai été pas loin de 20 ans; et j'ai fini par bien aimer l'être, puis je me suis découvert une envie de faire des études, et je me suis inscrite en psycho au CNED. Plusieurs années, j'ai cumulé boulot, enfants ( 3 puis 4) et études. J'y suis arrivée, plutôt brillamment, j'en suis fière. Et j'ai changé de taf.
Paradoxalement, au milieu des tempêtes persos que je traverse, ce travail est comme un phare qui me donne une direction, une route à suivre.
J'enchaîne entretiens délicats, situations ubuesques, signalements difficiles aux services sociaux, soutien aux familles en galère, recherche de solutions d'apaisement, annonces douloureuses de décisions d'orientation nécessaires, redéfinition parfois un peu abrupte des rôles de chacun, et puis toutes ces choses où je suis impuissante à apporter le moindre soulagement ... Alors, forcément, si je veux rester efficace, travailler tout simplement, je mets dans ma poche mes galères. Je suis obligée de me concentrer sur l'ici et maintenant. Bien sûr, à la fin de la journée, y'a pas de miracle, une fois de retour à la maison je me retrouve avec mes problèmes, et je n'ai pas plus de solution pour les résoudre, mais j'ai le sentiment d'avoir été utile, et c'est fondamental pour trouver l'énergie de continuer.
Certains cas difficiles, je vais en parler à la dame de l'étang noir, on démèle ensemble ce qui dans ce qui bloque, m'est personnel, et ce qui est possible, ou parfois impossible, de faire pour améliorer les choses. Le plus dur est de se rendre compte que ce n'est pas toujours possible dans l'immédiat de faire quelque chose et qu'il faudra se donner du temps. Paraît que c'est ça la castration, c'est l'impuissance. Je découvre la lune tous les jours, n'est-ce pas ? La découvrir est une chose, l'accepter telle qu'elle est en est une autre ...
Les galères que je traverse avec mes enfants sont une sacrée bessure narcissique. D'autant plus que je passe une grande partie de mon temps professionnel à donner des conseils et que l'on attend, à juste titre, de ma part un avis expert. Parfois, souvent, je devrais dire, j'ai honte et je me dis "si les gens savaient ce que je traverse, et à quel point j'ai tout raté avec mes enfants... Et moi qui me permets de leur suggérer des pistes, des solutions pour apaiser les choses ..."
Pourtant, mes galères me permettent aussi d'être plus humaine, moins dans le jugement "ces parents, de gros nuls!!! savent pas y faire !!! c'est pourtant simple, non ?" Non, c'est jamais simple d'être parent, j'en sais quelque chose. Quelques fois aussi, mes galères me rendent plus sévère à l'égard des adultes qui éduquent les enfants, quand je sais qu'il y a parfois urgence à mettre en place des soins et pas n'importe lesquels.
Mais je réserve mes grandes colères pour les professionnels qui ne font pas correctement leur boulot: les rééducateurs qui leurrent des familles en promettant monts et merveilles et qui empochent les dividendes, les enseignants qui méprisent leurs élèves et leurs familles, les directeurs un peu lâches qui laissent pourrir des situations et attendent que le suivant soit celui qui se coltine les problèmes, les éducateurs qui se réfugient derrière les dysfonctionnements du système pour cacher leur incompétence ou tout simplement leur paresse ...
Bon, ok, ok, je sens bien ce qu'il y a de perso dans mon petit couplet sur les éducs, mais on ne se refait pas, n'est-ce pas ?
Allez, ça suffira comme ça pour ce billet, je vous laisse vous défouler dans les com. Vous l'avez bien gagné, et moi je l'ai bien mérité !